A R T I S T E   P E I N T R E   H É L I O A                        ~   P E I N T U R E          T E X T E S       E T    P O É S I E   ~

        "Il est étrange que la plus grande partie du sentiment que nous appelons religieux, la plus grande partie de la clameur mystique qui est une des réactions les plus prisées et les plus utilisées de notre espèce soit réellement la compréhension et la tentative de dire que l'homme est lié au tout, inextricablement lié à toute réalité, connue et raisonnable. C'est une chose facile à dire, mais c'est ce sentiment profond qu'ils en avaient qui a fait un Jésus, un saint Augustin, un saint François d'Assise, un Roger Bacon, un Charles Darwin et un Einstein. Chacun à son propre rythme et avec sa propre voix a découvert et réaffirmé avec stupéfaction la certitude que toutes les choses sont une et qu'une chose est toutes les autres  - le plancton, une phosphorescence chatoyante sur la mer et les planètes tournoyantes et l'univers en expansion, tous liés ensemble par le fil élastique du temps." 

        John Steinbeck  (Prix Pulitzer, Prix de Nobel de littérature) 

                  (Dans la mer de Cortez, éditions Actes sud, 2009)

 

"Chaque chose qui existe vient de la Cause première 

Toutes les formes sont manifestées par la Matière première 

Chaque partie vient de la totalité, mais ce n'est pas nécessité

Car là-bas toute la totalité a la possibilité d'être une partie."
 

Djalâl-od-Dîn Rûmî 

(Rubâi'yât, éd. Albin Michel, collection Spiritualités vivantes)


"Comme votre perspective est extravertie, vous avez perdu de vue le Soi, et votre vision est tournée vers le monde extérieur. Le Soi ne se trouve pas dans les objets extérieurs. Renversez votre regard vers l’intérieur de vous. Plongez en vous et vous serez le Soi."
 

Ramana Maharshi, Les enseignements de Ramana Maharshi

Thème Unité, Reliance

Les vagues karmiques


Sur les vagues karmiques, ô marin,
Tu vas, tu vas et tu viens,
C'est histoire de destins

Tu viens et reviens,
Mannequin ou musicien,
Au féminin, au masculin

Tu vas, tu vas et tu viens,
Dans un palanquin 
Ou pieds nus en chemin

Tu viens et reviens,
Pots de vin ou bon samaritain, 
Tu tends la main

 

(premiers vers du poème Les vagues karmiques, Hélioa 2017

                                

                          Plotin, un philosophe mystique 

 

      L'œuvre de Platon fut une source d'inspiration majeure pour de nombreux penseurs de l'Antiquité. Parmi eux, le philosophe gréco-romain Plotin (205-270) développa des thèmes abordés précédemment dans la République et le Parménide, tels que la recherche de l'Un ou la contemplation, tout en prenant de la distance avec la pensée du grand philosophe d'Athènes.  

        Plotin entend réduire la séparation entre l'âme et le corps. Il élabore un système complet d'interprétation de l'être humain, du monde et de Dieu. Il affirme que le monde découle de trois principes : l'Un, l'Intelligence et l'Âme. L'être humain peut, par son intériorisation, remonter de l'Âme à l'Intellect, puis de l'Intellect à l'Un et accomplir de ce fait une union mystique avec Dieu. Plotin est le philosophe de la quête d'unité. Dans les Ennéades, un ensemble de traités qui constituent toute son œuvre, il y est question de l'ascension spirituelle de l'âme, d'une recherche au-delà de l'intellect et de la connaissance, vers la réalité vraie, le Bien, principe suprême que Plotin nomme l'Un ou Dieu.

      Il apparaît que la philosophie de Plotin pourrait se résumer à une invitation à retrouver notre véritable identité. Pour lui, l'âme individuelle, prisonnière du monde sensible, est une émanation de l'âme universelle. Plotin propose une expérience intérieure : chaque individu porte en lui tous les niveaux, il lui appartient d'entreprendre un cheminement et de remonter à la source de tout être, c'est-à-dire à l'Un. 

  •  "Qu'est donc ce principe ? C'est la puissance de tout. S'il n'existait pas, rien ne serait, pas même l'Intelligence qui est la Vie première et universelle. En effet, ce qui est au-dessus de la vie est la cause de la vie. L'Acte de la vie, étant toutes choses, n'est pas le premier principe: il découle de ce principe comme d'une source. On peut en effet se représenter le premier principe comme une source qui n'a point d'autre origine qu'elle-même, qui se verse à flots dans une multitude de fleuves sans être épuisée par ce qu'elle leur donne, sans même s'écouler, parce que les fleuves qu'elle forme, avant de couler chacun de leur côté, confondent encore en elle leurs eaux, tout en sachant quel cours ils doivent suivre.(...) Aussi y a-t-il partout retour à l'Un. Il y a pour chaque chose une unité à laquelle on la ramène :  par conséquent, l'univers doit être ramené à l'unité qui lui est supérieure, et comme cette unité n'est pas absolument simple, elle doit être elle-même ramenée à une unité supérieure encore, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on arrive à l'Unité absolument simple, qui ne peut être ramenée à aucune autre." (Plotin, Les Ennéades, volume 2, troisième Ennéade, traduction Marie Nicolas Bouillet, éd. Hachette, 1859)

 

par Hélioa, 2016

 

          "Toutes choses sont identiques en essence, et l'univers est la manifestation de l'unique Cause ultime. Celui qui n'a pas vu les Himalayas les imagine comme une seule montagne, mais quand il s'approche, il voit que ces immenses chaînes comprennent des centaines de montagnes, qui s'étendent sur de longues distances, avec des milliers de hauts sommets neigeux, et des arbres, des fleuves, des sources. Il en est de même dans le domaine spirituel : lorsqu'on approche la Vérité, la Lumière et qu'on plonge profondément dans les mystères, on réalise l'Un dans le Multiple ou le Multiple dans l'Un."

                     Mâ Ananda Moyî, Aux sources de la joie

"Atteins à la suprême vacuité
et maintiens-toi en quiétude,
Devant l'agitation fourmillante des êtres
ne contemple que leur retour.
Les êtres divers du monde
feront retour à leur racine.
Faire retour à la racine, c'est s'installer dans la quiétude ;
S'installer dans la quiétude, c'est retrouver l'ordre ;
Retrouver l'ordre, c'est connaître le constant ;
Connaître le constant, c'est l'illumination." 

Lao Tseu, Tao-tô king, le livre de la Voie et de la Vertu

                       

 Deux mille trois cents ans ont passé, un même regard 

  

Les Édits d'Aśoka, empereur de dynastie indienne, IIIe siècle av. J.-C.

"On ne devrait pas honorer seulement sa propre religion et condamner les religions des autres sans motif valable car en agissant ainsi on fait du tort autant à sa propre religion qu'à celle des autres. On devrait honorer les religions des autres car en les honorant, on exalte sa propre foi et on rend en même temps un service à la foi des autres."  (traduction courante) 

(D'après les édits d'Asoka, texte d'origine disponible en français avec la traduction de Jules Bloch, Les Inscriptions d'Asoka, éd. Belles Lettres 2007, collection La Voix de l'Inde) 

 

L'Ode à l'Amour du rappeur auteur-compositeur Abd Al Malik, 2004

Il y eut un temps où je faisais reproche à mon prochain
Si sa religion n'était pas proche de la mienne
Mais à présent mon cœur accueille toute forme
Il est une prairie pour les gazelles, un cloître pour les moines
Un temple pour les idoles, une Kaaba pour le pèlerin
Les tables de la Thora et le livre du Coran
Je professe la religion de l'amour et quelle que soit
La direction que prenne sa monture, cette religion est ma religion et ma foi

J'ai pu voir que le livre de la vie n'était pas seulement composé d'encre et de lettres
Mon cœur devient blanc comme neige, lorsque je goûte les saveurs du "je t'aime" 
Dans ton jardin les fleurs sont multiples mais l'eau est unique
Laisse-moi me vêtir de ton amour comme d'une tunique
Laisse-moi égrainer le chapelet de mon cœur dans ton souvenir
Laisse-moi crier au monde le parfum de ton désir
Le ciment de la providence nous lie comme les briques du secret
J'étais cuivre, tu m'as rendu or, toi l'Alchimiste de mon cœur
Toi qui a su gommer mes erreurs
Tu m'as tendu la main un jour et depuis je suis riche

Est-il pauvre celui qui vit dans ta niche ?
En vérité qui est le pauvre, qui est le riche ?
Je partirai paré des joyaux que tu m'as remis
N'est-ce pas toi Sidi qui m'a rendu vivant dans cette vie 
N'est-ce pas toi Sidi qui m'a rendu vivant dans cette vie

L'amour un océan sans fond, sans rivage
C'est le secret caché dans le cœur du sage
De toute éternité tu as lié la merveilleuse histoire de l'humanité 

Mon cœur fut transpercé par un rayon de soleil
Non pas l'étoile qui luit pour tous, celle qui les âmes éveille
N'est croyant que celui qui aime l'autre comme lui-même
L'existence est un don mais trop peu de gens s'émerveillent
Parce que les tenues qu'elle revêt ne sont jamais les mêmes
Parce que l'apparence ne trompe que ceux qui s'y arrêtent
J'ai bu le vin de l'amour, les gens se sont changés en frère
Et me prennent pour fou ceux qui au lieu du cœur ont une pierre
Verse-moi donc une autre coupe que je goute enfin l'ivresse
Ce n'est qu'une métaphore pour ceux qui comprennent
J'ai compris ce qu'était le bien à la lueur de mon cœur
Et la sincérité seule nous préserve de l'erreur

Les actes ne valent que par les intentions et chacun selon son but
Aimer l'autre quoi qu'il en coûte et envers soi mener la lutte
Dans ma poitrine est enfoui le secret des justes 
Si y en a pour un, partageons-y en a pour tous

L'amour un océan sans fond, sans rivage
C'est le secret caché dans le cœur du sage
De toute éternité tu as lié la merveilleuse histoire de l'humanité ...

Abd Al Malik (Ode à l'Amour, 2004)

Une pensée plurielle pour plus de cohésion 
 

               Les citations et les extraits qui viennent d'être proposés nous ont rappelé que de tout temps des femmes et des hommes de différentes cultures ont tenté de traduire et d'exprimer un principe initial, une réalité suprême source de toutes les manifestations, l'Un qui transcende la multiplicité du réel. L'unité, dans le sens de cohésion et d'harmonie entre les parties, peut-elle aussi être pensée au sein de la diversité des activités humaines, des disciplines et des domaines variés ? Intégrer une perception globale, le "penser global" si cher au sociologue Edgar Morin, au sein de nos conceptions individuelles et collectives est une tâche importante et urgente dans un monde où les tensions et les conflits prennent une tournure majeure

                 "Pour vous comme pour moi, retrouver et repenser l'âme s'avère une tâche nécessaire et urgente" écrit l'académicien François Cheng à une amie, dans une correspondance pleine d'élégance où il livre avec clarté le fruit de ses réflexions et de ses lectures (1). Porter attention à son intériorité, cheminer vers soi et développer une vision spirituelle dans nos vies permet de les enrichir et participe à créer un monde plus apaisé, mais l'élan spirituel étant loin d'être généralisé dans nos sociétés, d'autres approches sont-elles à mettre en avant ? Si ce monde est diversifié, et cela en fait sa richesse, il est aussi de plus en plus fracturé. Face à ce constat, de nombreux auteurs ont développé une réflexion. Parmi eux, Edgar Morin, philosophe et sociologue mondialement reconnu, s'est attelé dans plusieurs de ses ouvrages à mettre en évidence la complexité du monde et de l'homme, tout en proposant une méthode pour aborder avec lucidité cette complexité du réel. Sa "pensée complexe", qui est à considérer au sens de l'étymologie "complexus", qui signifie "ce qui est tissé ensemble", est une méthode évolutive où il est question de tenir compte des contradictions et de rendre complémentaires les antagonismes. Conscient que l'enseignement inculqué nous apprend à séparer les connaissances et non à les relier, ce penseur transdisciplinaire a mis en exergue la nécessité d'articuler les savoirs les uns aux autres pour les rendre complémentaires. Le "penser global" mérite sa place au sein de nos réflexions, de nos démarches et de nos actions. Il consiste notamment à associer nos connaissances ; mais comment relier nos savoirs ? Certainement déployer une réflexion qui tienne compte des aspects et des apports des diverses disciplines, et peut-être plus concrètement, créer des passerelles qui permettent de passer d'une pluridisciplinarité à l'interdisciplinarité.  

                     Certaines avancées majeures dans le domaine des sciences, notamment dans des disciplines médicales de pointe, ont été facilitées grâce à la spécialisation du savoir. Ainsi, il est évident que la spécialisation disciplinaire présente des avantages. Cependant, si depuis quelques décennies, le concept d'interdisciplinarité est de plus en plus plébiscité, c'est que les limites de l'hyperspécialisation ont été perçues. Effectivement, lorsqu'il existe des questions et des problèmes qui recoupent plusieurs disciplines, se priver des connaissances des unes et des autres peut se révéler préjudiciable. Des freins dus au cloisonnement des disciplines sont bien présents : d'une part une discipline se trouve isolée par rapport à une autre en raison de son vocabulaire et des concepts qui lui sont propres, et d'autre part un état d'esprit "hyperdisciplinaire" repoussera loin de lui toute proposition étrangère à son territoire du savoir. L'obstacle n'est donc pas tant la spécialisation en elle-même puisque le plus souvent elle enrichit la connaissance mais le frein provient de la compartimentation et plus précisément de la barrière mise entre les disciplines. Avant d'aller plus loin, soulignons la distinction qu'il y a entre deux notions parfois confondues, la pluridisciplinarité et l'interdisciplinarité. La pluridisciplinarité consiste à aborder un objet d'étude selon différents points de vue, avec l'idée d'une juxtaposition de regards spécialisés, le but étant d'utiliser la complémentarité des disciplines. Il s'agit d'approches spécifiques et parallèles tendant à un objectif commun par addition des contributions. Toutefois cette conception ne suppose pas une rencontre des disciplines pouvant provoquer une modification ou un enrichissement réciproque des différentes approches. L'approche de l'interdisciplinarité ou transdisciplinarité (il est parfois établi une distinction entre ces deux termes mais par souci de clarté, je ne vais pas aborder cette différence) est bien différente : il s'agit de l'étude d'un même sujet par entrecroisement des disciplines qui communiquent entre elles, interagissent en se modifiant parfois les unes les autres. L'interdisciplinarité est l'art de faire travailler ensemble des personnes ou des équipes issues de diverses disciplines. L'interdisciplinarité suppose un dialogue et l'échange de connaissances et d'analyses entre deux ou plusieurs disciplines. Elle implique qu'il y ait des interactions et un enrichissement mutuel entre plusieurs spécialités. L'interdisciplinarité est nécessaire pour mieux appréhender un sujet dans sa réalité globale, à ce titre elle est universellement reconnue comme une valeur nécessaire pour tenter de résoudre les questions globales et complexes (changement climatique, santé publique, biodiversité, crise écologique, crises sociopolitiques). Mais avant de crier à la panacée en considérant l'intérêt majeur de l'interdisciplinarité pour relier divers domaines, il convient de réfléchir avec lucidité aux freins qui existent. Parmi eux, comme cela a déjà été évoqué, on trouve la présence d'un vocabulaire spécifique de part et d'autre, premier aspect auquel il convient d'ajouter la nécessité d'une connaissance générale suffisante de tous les acteurs. En outre, la qualité du résultat d'un travail collectif dépend non seulement de la motivation des participants mais essentiellement de leur état d'esprit. Cela implique humilité, respect mutuel et absence de position de supériorité, rien de fructueux ne pouvant advenir si le partage et la connaissance de l'autre semblent d'emblée de valeur inférieure à un interlocuteur.

                    Interdisciplinarité et intérêts d'un même individu pour plusieurs domaines : utopie ou perspectives ? "Les visions scientifiques ont enrichi de nombreux aspects de ma propre vision bouddhique du monde. La théorie de la relativité d'Einstein, avec ces expériences de pensée saisissantes, a alimenté ma compréhension de la théorie de la relativité du temps de Nāgārjuna avec la matière vérifiée empiriquement. L'image extraordinairement détaillée du comportement des particules subatomiques aux niveaux les plus infimes éclaire l'enseignement du Bouddha sur la nature impermanente de toute chose. La découverte de notre génome humain, que nous avons tous en partage, donne du relief à la vision bouddhique de l'égalité fondamentale entre tous les êtres humains. (...) On peut prendre la science au sérieux et accepter la validité de ses résultats empiriques sans souscrire au matérialisme scientifique (...), sans nier la richesse de la nature humaine et la validité des modes de connaissance autres que le mode scientifique" nous dit le Dalaï Lama dans son essai Tout l'Univers dans un atome : science et bouddhisme, une invitation au dialogue (2). Il estime aussi que les scientifiques ont une responsabilité morale majeure qui est de veiller à ce que la science serve les intérêts de l'humanité le mieux possible car ce qu'ils font dans leurs disciplines a le pouvoir d'influer sur le collectif. Certes, l'interdépendance, concept majeur du bouddhisme, n'est plus à démontrer, ne serait-ce qu'au regard de la situation écologique actuelle. La position du Dalaï Lama est loin d'être une attitude isolée, bien d'autres acteurs majeurs de diverses disciplines se sont exprimés à ce sujet. Dans cette citation, le physicien Heisenberg, un des fondateurs de la mécanique quantique, signale la possibilité d'interactions fructueuses entre des domaines variés : "D'une façon tout à fait générale, il est probablement vrai que les évolutions les plus fécondes dans l'histoire de la pensée humaine se produisent très fréquemment là où se rencontrent deux courants de pensée différents; ces courants peuvent avoir pris naissance dans des domaines culturels très éloignés, à plusieurs époques, dans des milieux culturels différents et provenir de traditions religieuses diverses ; de sorte que lorsque ces courants se trouvent se rencontrer, c'est-à-dire qu'ils ont suffisamment de points de contact pour qu'une réelle interaction puisse se produire, on peut espérer que s'ensuivront de nouvelles et intéressantes évolutions." (Werner Heisenberg cité dans l'ouvrage La Science et l'âme du monde, Michel Cazenave (3)).  En outre, il est à rappeler que des colloques interdisciplinaires entrepris depuis plusieurs décennies témoignent de la pérennité du dialogue engagé (il en est question dans des textes situés dans la partie Univers du site). Le citoyen lui-même, s'il le souhaite et lorsque cela lui est accessible, peut s'enrichir d'une pensée plurielle, un mode de pensée où la réflexion est mûrie, construite et nourrie par des apports multiples issus de divers savoirs, une pensée alimentée par diverses disciplines, qui gagne en consistance, en discernement et en profondeur, et d'où peuvent découler de nouvelles prises de conscience susceptibles d'impacter positivement les comportements. D'aucuns pourraient s'interroger sur le réel intérêt d'une pensée plurielle parfois constituée de savoirs vite parcourus et oubliés, pourtant les connaissances, quand bien même elles s'estompent, laissent une trace et des repères qui nous accompagnent et nous construisent. Jacqueline de Romilly, femme de lettres et grande humaniste française, l'a si bien souligné dans un essai paru en 1998, Le Trésor des savoirs oubliés (4), dans lequel elle insiste sur l'importance de l'enseignement et de la transmission des connaissances, des valeurs et de la culture.

                  Revenons à la transdisciplinarité. Elle est assurément une démarche novatrice dont le but est de faire fructifier les points forts de divers champs de l'activité humaine. C'est une approche remarquable qui crée des passerelles entre les disciplines, sciences dures et sciences humaines mais aussi littérature et arts. Elle ne vise pas à convaincre des personnes qui ont des points de vue différents, elle tend à enrichir différents domaines par l'intermédiaire du dialogue, d'échanges et de partages. Il s'agit d'interaction et de synergie. Qui plus est, la transdisciplinarité est salutaire car elle met en avant les valeurs d'ouverture d'esprit, de communication, de solidarité et d'une certaine façon de tolérance puisque cette attitude consiste à reconnaître à autrui le droit à une manière de penser ou d'agir différente de la nôtre. Ce thème rejoint aussi la thématique de la relation entre les parties ainsi que la relation entre le tout et les parties. Si les interactions entre les parties peuvent enrichir le tout, il convient aussi de penser aux relations de chaque partie avec le tout, et plus précisément aux répercussions des applications d'une discipline ou d'un secteur d'activité sur le collectif. Le bien commun, qui devrait indiscutablement figurer comme principal objectif de cohérence, est-il seulement assez souvent au centre des préoccupations ? Question bien délicate tant les situations sont multiples et complexes. À titre d'exemple, si nous considérons la question de l'apport des sciences, certaines de ses applications sont perçues comme sources de grands progrès mais d'autres, tels les OGM ou l'intelligence artificielle, suscitent de nombreuses interrogations et inquiétudes quant à leurs possibles conséquences. Au regard du caractère hégémonique de la science, la réflexion doit être poussée plus loin. Qui détermine les objectifs de la science ? Qui attribue les budgets de la recherche ? Celle-ci est-elle suffisante dans le domaine des sciences cognitives ? Le transhumanisme est-il exempt de toute risque ? Pourquoi le développement de la science rime-t-il essentiellement aujourd'hui avec l'essor de la technoscience ? Il n'y a pas que la science à questionner, nos modes de vie et nos modes de consommation le sont aussi. Devons-nous exercer une vigilance vis-à-vis de certaines des nouvelles technologies élaborées par de puissantes et stratégiques entreprises commerciales privées, qui impactent de maintes façons nos vies et nos sociétés ? C'est probablement une lapalissade mais tant que tous les pans de nos sociétés, secteurs scientifique, politique, économique et financier y compris ne s'entendront pas sur un projet d'avenir commun, tensions et difficultés majeures persisteront. Alors, certaines évidences auront besoin d'être répétées et certaines paroles inspirantes gagneront à être partagées. Le 11 novembre 1848, lors d'un discours à l'Assemblée nationale, Victor Hugo estimait que l'avènement d'un avenir plus serein ne pourrait résulter que de l'intégration de certaines valeurs : "La grande erreur de notre temps a été de pencher, je dis même de courber l'esprit des hommes vers la recherche du bien matériel (...). Il faut relever l'esprit de l'homme, le tourner vers Dieu, vers la conscience, vers le beau, vers le juste et le vrai, vers le désintéressé et le grand. C'est là et seulement là, que vous trouverez la paix de l'homme avec lui-même, et par conséquent avec la société."

                 Pour conclure, je vais citer Edgar Morin, tout en vous invitant à la lecture de son ouvrage Penser global (5) : "Nos idées obéissent à un paradigme de réduction et de disjonction. Nous en sommes inconscients, mais c'est celui qui guide tout notre système d'enseignement, tout notre système de connaissance et tout notre système de pensée, à part des exceptions marginales. Quand on est sous la gouvernance de ce paradigme, on voit toutes les choses séparées, et on voit toutes les choses réduites à leurs éléments les plus simples. Et on pense que tout ce qui contredit cette vision est pur bavardage, pure sottise, pure folie. Nous sommes dans une époque qui a besoin d'un changement de paradigme et cela arrive assez rarement dans l'histoire. Il s'agirait de substituer la distinction à la disjonction, la reliance à la réduction : il faut distinguer et, en même temps, relier. C'est le paradigme de complexité." Un Edgar Morin qui doute que nous soyons parvenus à la plénitude de nos capacités cérébrales, mentales et intellectuelles, et qui estime que nous traversons la période de "préhistoire de l'esprit humain". Face aux difficultés et aux conflits qui émergent de "cet âge de fer planétaire", il en appelle à chercher une pensée plus ouverte, globale et complexe. Les orientations de nos sociétés étant évolutives, souhaitons que la parole d'Edgar Morin soit entendue par le plus grand nombre. 

                  Je souhaite terminer sur une note positive et j'invoque Homo creativus ! "Nous assistons à la naissance d'un nouveau "genre" de personne, que nous appelons Homo creativus. La marque de fabrique d'Homo creativus est sa capacité à imaginer, inventer, construire, mettre en œuvre un concept inhabituel, un nouvel objet ou à découvrir une solution originale à un problème" nous disent les auteurs de l'ouvrage Psychologie de la créativité (6). Tout un programme ô combien... enthousiasmant ! 

par Hélioa, 2017, mise à jour 2018

  • 1. De l'âme, sept lettres à une amie, François Cheng, éditions Albin Michel 2016
  • 2. Tout l'Univers dans un atome: science et bouddhisme, une invitation au dialogue, Dalaï Lama, éditions Pocket 2008
  • 3. La Science et l'âme du monde, Michel Cazenave, éditions Albin Michel,1996
  • 4. Le Trésor des savoirs oubliés, Jacqueline de Romilly, éditions De Fallois 1998
  • 5. Penser global, Edgar Morin, éditions Champs essais Flammarion, 2016
  • 6. Psychologie de la créativité, Todd Lubart, éditions Armand Colin, 2ième édition 2015

                           Théâtre musical de Pibrac, Exposition 2015 sur les thèmes  Nature, Éveil, Unité, Univers et le firmament ...

Namasté 

Plus qu'un simple geste, une signification profonde et millénaire       

 

Thème Unité, Reliance 2016

                                  

          Lors d'un voyage en Inde de plusieurs mois, j'ai eu le plaisir maintes fois renouvelé de voir les gens se saluer avec le geste des mains jointes au niveau de la poitrine, les doigts en direction du ciel. Chaque fois, je trouvais cela très beau. 

        Les explications suivantes sur la signification de ce geste, qui est appelé Namasté, vont faciliter la bonne compréhension de ce tableau. Namasté est une des cinq formes de salutation mentionnées dans les textes sacrés de l'Inde ancienne, les Veda (vers -1500 ans de notre ère). En sanskrit le mot "nama" signifie salut/inclinaison  et le mot "te" signifie toi/vous. Ainsi, Namasté signifie littéralement "Je m’incline devant vous". Dans la culture hindoue, le geste Namasté est une manière de se saluer au quotidien, lorsque l’on rencontre quelqu'un, mais aussi en prenant congé. Cette salutation est utilisée pour se souhaiter la bienvenue, se témoigner  le respect mutuel et aussi engager une conversation. Si le geste est le même, le terme Namaskar a une signification plus spirituelle et religieuse. Car ce geste, bien plus qu'une élégante formule de politesse, a une signification très spirituelle. Les grands sages l'ont exprimé ainsi : "Je salue le soleil qui est en vous", "La lumière qui est en moi honore la lumière qui est en toi", "Je salue le divin en vous", "Je connais la part de divinité universelle qui règne en chacun de nous", "Mon âme salue ton âme. En toi, je salue cet espace où réside l’Univers entier. En toi, je salue la lumière, l’amour, la beauté, la paix parce que ces choses se trouvent aussi en moi. Parce que nous partageons ces attributs, nous sommes reliés, nous sommes semblables, nous sommes Un", "Je sais ce lieu en toi où, quand tu es en ce lieu en toi et quand je suis en ce lieu en moi, nous sommes Un", "Je te salue de tout mon être et je reconnais en toi la beauté du vivant. Unifiés cœur à cœur, nous savons que nous ne faisons qu'un au cœur du vivant". Quant à la syllabe ॐ, c'est celle du son Om, vibration cosmique primordiale.

par Hélioa, 2016

  • Envie d'en savoir plus sur l'hindouisme ? L'hindouisme, Alexandre Astier (enseignant en histoire et géographie, spécialiste de l'histoire religieuse de l'Inde) éditions Eyrolles, 2011      

 

Exposition 2015

« J'ai découvert l'identité de toutes les religions, et donc je n'en remets aucune en doute, car la divinité m'apparaît en toute chose, du grain de sable à l'étoile la plus éloignée, de l'infiniment petit à l'infiniment grand. »

« L'Un, tel est mon amour. L'Un me rend libre dans la sujétion, comblé dans l'épreuve, riche dans la nécessité, et vivant dans la mort. »

                                      Giordano Bruno 

     (L'Infini, l'Univers et les Mondes, 1584, éd. Berg International, 2015)

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